Récit de Agit

Rejoindre ma famille

Je m’appelle Agit, j’ai 31 ans. Je suis né au Kurdistan. C’est là que j’ai grandi. J’ai toujours voulu venir en France, depuis mon enfance, car mon père y était installé depuis mes huit ans. Il est parti en 1990 pour travailler en France, à Marseille. Ma mères et mes frères et sœurs, on est resté au Kurdistan. Mais on attendait de pouvoir le rejoindre. En 2002, à mes 18 ans, quand ma scolarité a été terminée, j’ai voulu le rejoindre à Marseille. Ma mère était déjà allée le rejoindre avec deux de mes sœurs en 2000.

Mon père n’avait pas la possibilité de me faire venir légalement. Je suis venu avec un passeur. 20 jours et 4000 euros pour arriver en France. J’ai d’abord pris un premier avion jusqu’au Kosovo, puis en voiture pour la Croatie. Après j’ai traversé la Slovénie en camion et puis à pied pour arriver jusqu’en Italie, par la voie ferrée. Mon père m’attendait en Italie, on a encore fait appel à un dernier passeur pour pouvoir arriver à Nice sans problème. Ça a été très long et dur. Je me demandais sans arrêt si j’avais fait le bon choix. Je regrettais d’être parti. Autant de risque pour un pays que tu ne connais pas. Je me suis retrouvé 10 jours enfermé dans une chambre à attendre un avion. Et plus de 10 heures dans une camionnette sans manger, sans s’arrêter, sans savoir quand le voyage allait finir. Ça a duré une éternité.

Sans papier / travail au noir

Pendant la première année à Marseille, je n’ai fait strictement aucune démarche de régularisation. J’étais sans papier, je travaillais au black comme maçon avec mon père, ou avec d’autres amis à lui.

Presque tous les Kurdes à Marseille sont maçons.

Au bout d’un an j’ai fait une demande d’Asile qui a été refusée.

Mais j’ai alors pu bénéficier d’une allocation temporaire d’attente, 350 euros par mois environ, de l’accès au soin avec la CMU et aussi pouvoir m’ouvrir un compte en banque.

L’année d’après j’ai renouvelé la demande qui a encore une fois été refusée.

PACS et régularisation enfin

C’est seulement au bout de quatre ans et demi que j’ai eu une carte de séjour. Pour ça je me suis Pacsé avec ma compagne de l’époque. 

La Cimade m’a beaucoup aidé, pour les démarches pour le PACS. Ils nous ont tout expliqué. On savait pas comment faire. Ils nous ont conseillé le PACS parce que j’étais arrivé de manière irrégulière en France. Si tu te maries tu dois retourner dans ton pays et avoir un visa pour le mariage. Alors que le PACS, tu n’as as tout ça, c’est plus simple. Après avec mon ex copine on a fait partie du collectif Les Amoureux au ban public et on a aidé des gens à connaître les démarches vu que nous on avait eu notre expérience, on savait plein de choses.

Au bout de 5 ans j’ai eu un nouveau permis de séjour de 10 ans. Mon père avait ses papiers, il avait été régularisé mais pour les enfants ça n’aide pas.

Les années qui se perdent

Je suis venu pour rejoindre mes parents, en pensant faire une vie meilleure ici. C’est ce que tout le monde vous dit. Mon père était là en France et j’avais vraiment envie d’être avec mes parents. Même si lui aurait préféré que je reste au pays. J’étais l’aîné. Donc il avait besoin qu’un homme reste là-bas pour s’occuper de tout. Mais moi je ne voulais pas. J’étais trop jeune pour endosser ce rôle. En arrivant je me disais qu’ici la vie était très dure.

Quatre ans et demi sans papier. Sans bien parler la langue. A attendre d’être régularisé pour pouvoir commencer ma vie d’adulte. Des années perdues pour moi. Tu peux faire aucun projet. C’est très déprimant. Tu abandonnes tes rêves. Toute cette attente c’est vraiment très dur, même si moi, j’avais la chance d’avoir ma famille et une communauté très soudée et solidaire.

Maintenant ça va, cela fait 13 ans que je suis là, donc ma vie est ici et je peux dire que je me suis habitué et que je suis bien.

Travailleur déclaré et reprise des études

C’est dur de travailler en tant qu’étranger. C’est dur tu peux que travailler au noir dans le bâtiment, j’étais maçon. Comme mon père. Moi je voulais reprendre des études. Mais les portes étaient fermées. J’avais pas la situation régularisée. Le travail dans le bâtiment c’est toujours par le bouche à oreille que j’ai pu travailler que ce soit au noir ou déclaré. Des copains kurdes.

Quand je me suis Pacsé après j’ai eu les papiers qui m’ont permis de travailler en étant déclaré.  J’ai continué comme maçon et aussi chauffeur c’est ma copine qui m’a aidé. Aujourd’hui j’ai un CDI. Tous les boulots c’est par relation que je les ai eu.

J’ai passé mon bac l’année dernière finalement. 12 ans après mon arrivée. Pour ça j’ai pris des cours de français à la faculté pour apprendre à lire à écrire et puis j’ai passé le bac littéraire. Je l’ai eu.

A mon arrivée en 2002 j’avais pris des cours de français dans un centre social à la Kalliste, 2 mois comme ça, il y avait plein de niveaux différents. J’ai rien appris de spécial.

C’est en parlant avec des gens que j’ai appris le français. Et puis surtout à la fac, en lisant beaucoup, là j’ai progressé et je me suis rendu compte que j’avais pas du tout un bon niveau avant, alors que je pensais que je parlais bien.

Pour le moment j’ai pas encore la possibilité de faire le métier que j’aime. Je voudrais travailler dans le social, je vais m’inscrire en STAPS. Sciences du sport, pour être prof de sport.

Maintenant que j’ai un CDI j’ai refait une demande de naturalisation. La première fois ça n’a pas abouti. Je n’avais pas de CDI. Je viens de déposer le dossier. C’est un an d’attente.

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