Récit de Fouda

Je m’appelle Fouda, je suis né au sud-ouest du Maroc, dans la région d’Agadir. J’y ai passé mon enfance jusqu’à ce que j’obtienne le baccalauréat. Ensuite j’ai continué mes études à Marrakech, à la Fac des Sciences et Techniques où j’ai obtenu un diplôme en Biotechnologies des plantes.

Ma langue maternelle est l’amazigh, la langue parlée par mes parents. j’ai commencé à apprendre l’arabe l’arabe quand j’avais  4 ou 5 ans. 

A Agadir Il n’y avait pas de Fac des Sciences et Techniques là-bas et la plus proche de chez moi était celle de Marrakech. Alors e l’ai choisie car elle proposait une formation plus avancée par rapport à la faculté des sciences d’Agadir. J’y suis allé aussi car je n’ai pas pu avoir accès à d’autre écoles ou facultés d’enseignement supérieur.

Après avoir obtenu ta licence, tu t’es rendu directement à Marseille ?

Non, pas directement. Pendant ma licence – en 2016 –  j’ai commencé à préparer un dossier de candidature pour venir continuer mes études en France, mais je n’ai pas terminé les formalités nécessaires. Je me suis arrêté au moment de l’entretien de sélection de Campus France. Je n’avais pas trouvé suffisamment de courage pour quitter mon pays en ce moment. J’ai donc retardé mon projet jusqu’à 2019. Durant l’intervalle j’ai été chômeur pendant quelques mois. Ensuite, j’ai travaillé en tant que professeur de Sciences et Vie de la terre dans plusieurs écoles privées d’Agadir, pendant deux ans.

 Puis, fin 2018, j’ai quitté mon poste et je me suis libérée en prévision de ma venue en France : j’ai préparé les dossiers avec les documents nécessaires et j’ai passé l’examen de Français. Ensuite j’ai postulé.

Un climat tempéré, une ville proche du Maroc

 Pourquoi as-tu choisi Marseille ?

Sur les sept options pour lesquelles j’ai présenté ma candidature, il y en a quatre sur Marseille. Tout d’abord à Marseille parce que son université est assez réputée. J’ai choisi cette ville aussi pour son climat tempéré et parce qu’un de mes proches y habite. Ça, c’est très important. Les trois autres demandes je les ai faites dans d’autres villes du sud de la France: Toulouse, Nice et Montpellier si mes souvenirs sont bons.

Trois jours avant le début des cours, il y a un an et demi, je débarquais à Marseille. 

Et pourquoi avoir choisi la France plutôt qu’un autre pays?

Effectivement, je n’ai pas envoyé de candidature ailleurs. Le choix de la France me paraissait évident compte tenu de sa proximité avec le Maroc. C’est un pays qui n’est pas étranger aux Marocains. La langue d’enseignement est la même. En plus j’ai des proches qui y habitent. Malgré tout cela, il y avait quand même la “peur de l’inconnu”.

Qu’as-tu emporté en France dans tes valises, à part tes vêtements? 

Une vieille montre que j’utilise comme réveil depuis longtemps. J’ai aussi pris deux livres en lien avec la biologie et l’écologie, deux-trois livres en arabe sur différentes thématiques dont un du penseur marxiste Mahdi Aamel, Critique de la pensée quotidienne, et quelques romans francophones.

Tu peux nous expliquer ces choix?

J’avais commencé un programme de renforcement de la langue française depuis le Maroc. Je comptais le terminer ici en lisant ce qui avait été produit ou traduit en Français pour dépasser mes difficultés dans cette langue. Concernant les deux livres de biologie et d’écologie, ce sont mes domaines d’études. Les autres livres, qui sont intéressants aussi, je les ai emmenés juste pour le plaisir, pas à cause de ma venue en France.

Autrement, je n’ai pas eu besoin de préparer beaucoup de choses depuis le Maroc. 

C’est la personne de mon entourage qui habite en France qui m’a accueilli et qui m’a apporté ce qu’il me manquait à mon arrivée. En plus, j’avais fait des recherches sur les différences de prix entre les deux pays et je m’étais rendu compte qu’il y en avait peu.

Un lieu d’intégration important: la faculté

Au Maroc j’avais un bon salaire, je gagnais environ 5500 dirhams par mois, parfois 6000. Je travaillais en tant que professeur sur un poste permanent dans un institut privé pour 3500 dirham, j’intervenais également en tant que vacataire dans d’autres écoles ce qui me permettait parfois de gagner en plus jusqu’à 1800 dirham. A côté de cela j’effectuais aussi quelques heures de soutien scolaire.

Néanmoins, pour terminer mon parcours universitaire, les options étaient très peu nombreuses. 

C’est pour cette raison qu’en 2018 je me suis enregistré à Campus France

En arrivant à Marseille, je n’ai pas trouvé trop de différences entre la réalité et ce que j’avais pu imaginer, car depuis l’adolescence je suivais l’actualité nationale et internationale. La seule chose qui m’a étonné à mon arrivée c’est la faiblesse des équipements, des salles de classe et des amphis de la faculté à laquelle j’avais été acceptée, l’Université Saint Jérôme.

A l’arrivée, j’ai trouvé de l’aide dans des espaces très variés. Parmi eux, le plus important a été la faculté, c’est le lieu où je me suis fait le plus d’amis. Il y a également les cafés du quartier dans lequel j’habitais dans le 15e arrondissement. J’ai rencontré également certaines personnes grâce à Facebook.

En particulier, j’ai participé aux activités d’une association étudiante qui s’appelle “Les petits débrouillards – PACA”. Elle organisait des événements scientifiques: des débats, des expositions, des concours. C’est un ami avec qui j’étudie qui me l’avait fait découvrir. À travers elle, j’ai pu créer des liens et entrer en relation avec d’autres étudiant.es de différentes nationalités: des Français, des Russes, des Britanniques, des Finlandais, des Marocains…Parmi celles et ceux qui sont engagé.es dans l’association, il y a des professeurs d’université et des chercheurs. De plus, les activités mises en place recoupaient mes domaines d’études : la biologie et l’écologie.

Se focaliser sur des publications en français pour progresser dans la langue

Comment as-tu fait pour dépasser le problème de la langue ? Cela a-t-il été un problème particulièrement difficile à résoudre ?

Concernant les cours que j’ai reçus, mes interactions et ma compréhension dans la classe, cela ne m’a pas du tout posé de problème. Cependant, dans la vie quotidienne, en dehors des cours, c’était un peu plus difficile.

Comment as-tu essayé de surmonter cet obstacle?

J’ai essayé de me focaliser sur des productions en Français. Par exemple sur internet je privilégiais les contenus en Français écrits ou audiovisuels (vidéo, films, nouvelles, pages scientifiques, musique, réseaux sociaux).

Et pour les livres, où est-ce que tu t’approvisionnes?

J’ai orienté la plupart de mes lectures vers des publications françophnes. Je trouve les livres que je cherche à la FNAC et pour la lecture gratuite il y a quelques boites à livres dans les rues de Marseille. On peut en trouver dans le quartier de Noailles, à Réformé, dans la Girafe. Il y en a aussi dans le deuxième arrondissement où il y a des distributions de livres pour le public. De là, je récupère les ouvrages que je lis pour le plaisir. Si je cherche de nouveaux livres en particulier, je vais à la boutique de la FNAC à Centre Bourse.

Le logement a marseille lorsque l’on etudie: aides et difficultés

D’après toi quel est le montant suffisant dont un.e étudiant.e  a besoin pour pouvoir vivre à Marseille?

En ce qui me concerne, comme je cuisine tous mes repas à la maison et que je fais des plats diversifiés et équilibrés je pense, le budget pour la nourriture ne dépasse pas 120 euros par mois.

Pour le logement, je loue une chambre sur le campus universitaire de Luminy pour un montant de 258 euros. La caisse d’allocation familiale en paye une partie, environ 86 euros tous les mois. Mon hébergement me coûte donc tous les mois environ 172 euros, cela inclut les factures d’électricité, d’eau et d’internet.

C’est une chambre individuelle de 10 m2, il y a des rangements, un frigo, un lit, un bureau et une chaise. Il y a aussi une salle de bain et des toilettes. En revanche, la cuisine est partagée avec les résidents du même étage. C’est l’administration de l’Université qui prend en charge son entretien.

J’ai eu cette chambre en faisant une demande sur le site internet https://trouverunlogement.lescrous.fr/, avant l’été. 

Luminy est l’un des trois camps universitaires de la Ville, avec Saint-Charles et Saint-Jerome. De plus, en ville on trouve beaucoup de résidences universitaires.

Dans mon cas, à Luminy, ils proposent des des chambres de 10 m² avec lavabo à 167,5 euros par mois. La douche, les toilettes et la cuisine sont partagées.

Pour 258 euros par mois, vous avez une chambre de 10 m² avec lavabo, douche et toilette. La cuisine seulement est partagée. Le prix monte à 285,5 euros si vous souhaitez une chambre de 14 m². Pour 337,5 euros par mois vous avez un appartement de 17 m² avec un lavabo, une douche, des toilettes et une cuisine.

En plus de tout cela il y a aussi des appartements adaptés aux personnes handicapées.

T’as demande a-t-elle été acceptée directement ?

Non, j’avais déjà soumis une candidature l’année précédente, quand j’étais étudiante en troisième année de licence, mais ma demande avait été refusée. Les chances d’obtenir un logement en résidence universitaire lorsqu’on est en licence sont peu élevées en raison du faible nombre de chambres disponibles au regard du nombre d’étudiants.

Un  ami qui habite Marseille et qui avait fait une demande en résidence universitaire lorsqu’il vivait à Lille, m’avait alors conseillé de faire une veille permanente sur internet. Cela afin de guetter les annonces correspondant à ce que je cherchais. C’est ainsi que j’avais pu postuler une deuxième fois.

Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où tu as présenté ta demande et le moment où elle a été acceptée?

J’ai déposé ma première demande au mois de juillet et elle a été refusée une dizaine de jours plus tard à cause du nombre insuffisant de chambres disponibles et du fait que je n’étais pas considéré comme prioritaire pour celles qui restaient. J’ai présenté ma deuxième demande au début du mois d’août, elle a été acceptée autour du 15, à condition de fournir une pièce d’identité et un certificat de scolarité. Il fallait aussi faire un acompte de 100 euros pour bloquer la  réservation et apporter une garantie en cas de non paiement de loyer.

Pour ce faire, du moment que je n’avais pas de garant, j’ai utilisé le service Visale : je suis allé sur le site internet et j’ai chargé mes documents officiels. En moins de 24h j’ai reçu le certificat de garantie.

Comment est la qualité de vie sur le campus? Est-ce que cela correspond aux attentes que tu avais?

Les conditions de vie sont bien, en général,  sauf sur le campus dans lequel je vis (Luminy) et où se trouve ma faculté. Elle se situe dans une zone boisée en dehors de la partie urbanisée de Marseille et c’est compliqué pour les personnes qui y habitent de faire leurs achats quand ils le souhaitent. Le premier commerce se trouve à plusieurs kilomètres, il faut faire un quart d’heure de bus pour s’y rendre.

Des groupes d’entraide sur Facebook et les cafés pour ne pas rester isolé

A mon arrivée, la chose qui me manquait le plus était une vraie maîtrise de la langue, pour nouer des relations, discuter et exprimer mon opinion sur différents sujets.

Une formation linguistique plus poussée, pour mieux comprendre la vie ici, les démarches administratives et les services sociaux changerait réellement les choses pour les nouveaux arrivants.

Pour ce qui me concerne, je me suis dirigé vers des groupes Facebook d’entraide entre étudiants, mais ils se limitent aux aspects urgents. Ils ne constituent pas en tant que tel un programme d’accueil ou d’accompagnement. Il y a par exemple le groupe des « Étudiants Marocains à Marseille » et le groupe « Procédure Campus France Maroc ».

Qu’est-ce qui te manque du Maroc en France?

Mes amis et mes connaissances du Maroc. Les relations sociales, plus simples et plus ouvertes à l’autre me manquent aussi. Ici, les interactions sont marquées par une certaine prudence et un sérieux qui est parfois difficile à dépasser.

Beaucoup disent pourtant que Marseille se distingue par son ambiance assez propice aux relations sociales…

En tout cas, pas autant qu’au Maroc. Un des endroits où j’ai fait le plus de connaissances c’est le café. Le quartier est peuplé en majorité d’étrangers, c’est là où j’ai sympathisé avec un très bon ami franco-algérien l’été dernier. 

Nous débattions de beaucoup de sujets sur lesquels nous partagions un intérêt commun. A l’Université au cours de la dernière année je me suis aussi fait un ami Français, un alsacien arrivé également récemment à Marseille. C’est lui qui m’a fait connaître l’association des Petits Débrouillards PACA. Nous avons effectué des visites et  mené des projets d’études ensemble. Cette amitié a continué jusqu’à l’été, même si l’année universitaire était terminée.

De nombreuses possibilités de visites pour découvrir la ville

Une chose que j’apprécie beaucoup ici c’est le réseau de transports. Je m’en sert tous mes déplacements à Marseille: les visites avec ma famille, les amis, les allers et retour à la fac, les découvertes de la ville et de son histoire, ses musées, ses jardins publics, ses plages et ses églises…

Tu peux nous donner des exemples de lieux que tu apprécies particulièrement?

Le musées des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), où sont présentées des pièces antiques, des films, et de nombreuses informations qui pour moi ont une grande valeur.

Il y a aussi tous les autres, comme le musée d’histoire de Marseille, le musée Cantini, le musée d’histoire naturelle, le musée des beaux arts…J’apprécie également certains quartiers comme la vieille ville, Noailles et Castellane…Il y a aussi le musée de La Vieille Charité. Tous les musées publics sont gratuits pour les étudiants (ndf: L’entrée des musées est gratuite le premier dimanche du mois; les expositions permanentes sont toujours grautites). 

Il ne faut pas non plus oublier le Parc National des Calanques, un vaste espace libre d’accès. On y trouve la végétation caractéristique de la Méditerranée et une très grande biodiversité. Il y a des conifères, des plantes méditerranéennes, des animaux comme des renards, des chauves-souris, des sangliers et un grand nombre d’oiseaux sauvages. Il est possible d’y pratiquer diverses activités telles que l’escalade, la course à pied, le vélo. Il offre des paysages d’une grande beauté, sur le parc lui-même, sur le milieu naturel qui entoure Marseille et sur la mer. Tout cela attire les amateurs de photographie. 

De temps en temps je vais aussi au cinéma Eurocorp La Joliette, au Vieux Port, à Notre-Dame de la Garde, au palais du Pharo…J’ai aussi visité le stade Vélodrome, qui  est un vrai chef d’œuvre architectural, à l’époque où je suivais le championnat de France. J’y ai vu un OM-Lille ; le billlet coûtait 20 euros. L’ambiance de la rencontre à laquelle j’ai assistée était à la fois survoltée et tranquille. L’OM a fait un bon match et a gagné deux buts à un contre Lille.

Concernant les jardins publics que tu as visités, quels sont ceux que tu préfères?

Il y en a beaucoup: le parc d’Athéna, le parc Borely, le parc Billoux, le parc du Séon et le parc Longchamps…Ce sont de véritables bulles d’oxygène qui permettent d’oublier le stress de la ville, le bruit, la pollution. On peut aussi y prendre de belles photos.

D’après toi qu’est-ce qui permettrait de faciliter les études des futurs étudiants marocains qui viendront en France?

Une association dédiée à leur accueil et à leur intégration qui se chargerait de les accompagner, d’organiser des formations, des groupes de discussions et des activités culturelles.

Cela n’existe-t-il pas déjà ?

Si, il y a des tentatives. Dans ma fac, il y a par exemple le Bureau des étudiants (BDE). Il reçoit les étudiants et les aide à trouver des solutions lorsqu’il y a un problème administratif en lien avec leur scolarité notamment. L’association les soutient en cas d’agression ou de discrimination liée au genre, à la religion ou à l’orientation sexuelle. Elle organise également de nombreuses fêtes et événements. On y trouve, en autres, une salle pour manger et un espace de jeux. L’adhésion à l’année coûte 10 euros. Le BDE a été un lieu important pour moi la première année.

Tu veux rajouter quelque chose?

Au Maroc internet était le dernier endroit où je me renseignais, que ce soit pour une question administrative, pour une inscription ou pour chercher des renseignements sur une question particulière. Ici j’ai appris à me tourner vers internet comme étape préalable pour résoudre un problème, qu’il soit lié aux études, à l’université, à l’administration ou simplement pour trouver une adresse.

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