Récit de Matala Sissoko et sa famille
Matala Sissoko est Malien, il est né en 1992. Il est à Marseille avec sa femme et leur fille âgée de 12 mois. Mr et sa femme sont à Marseille depuis le mois d’octobre 2016. Leur fille est née à Marseille peu après leur arrivée. Ils sont arrivés à Marseille en passant par l’Italie après avoir traversée la Méditerranée en provenance de la Libye.
J’ai rencontré des problèmes à mon arrivée par ce que je ne connaissais pas la Plateforme. Pour y aller ce n’était pas facile car nous ne connaissions pas là-bas.
A notre arrivée nous avons dormis trois jours à la gare avec ma femme. Puis nous sommes allés à l’hôpital car ma femme était enceinte. L’hôpital nous a donné un papier pour nous rendre à la PADA. Nous sommes allés à la Plateforme avec le papier de l’hôpital mais là ils ne nous ont pas reçus. On est sortis de la Plateforme sans orientation, on ne nous a pas dit pourquoi ils refusaient de nous recevoir. Nous n’avons pas compris. Quand on me donne des explications en français moi je ne comprends pas mais ils n’ont pas pris le temps de nous expliquer, si on me donne un papier avec des explications je peux le montrer à quelqu’un, mais là on ne me donne rien…
Sans solution nous sommes retournés à la Gare Saint Charles et pendant la nuit un Mr malien est passé par la Gare et nous a trouvé dans la rue. Il a proposé d’héberger ma femme nous voyant dans cette situation, il a dit que ce n’était pas normal qu’une femme dorme par terre dans la rue…mais il n’avait pas de place pour moi. J’ai dormi à la gare cette nuit-là, séparé de ma femme.
Nous sommes retournés une seconde fois à l’hôpital de la Conception le lendemain. Nous n’avions pas été reçus par la Plateforme et n’avions pas de solution. Les médecins de l’hôpital nous ont demandé si la Plateforme nous avait orienté vers un hébergement, quand je répondais « non » ils nous disaient que ce n’était pas normal, mais moi je ne savais pas quoi faire.
L’hôpital a appelé le 115 et comme ma femme était enceinte elle a été orientée vers un hébergement d’urgence et nous avons été séparé pendant 26 jours. Ma femme était au 115 et moi je dormais à la gare. Ma femme était dans un foyer et moi je n’avais pas le droit. Le foyer était loin, vers l’hôpital de la Timone et moi je ne pouvais pas y aller. Au début ils n’ont pas dit où ils l’emmenaient et je ne savais pas comment la trouver. Moi je dormais à la gare. En arrivant à Marseille nous sommes allés à l’hôpital car ma femme était enceinte de 9 mois et là l’assistante sociale nous a dit qu’il n’y avait pas de place pour nous héberger. J’ai demandé qu’elle trouve un endroit car ma femme allait avoir le bébé mais elle nous disait qu’il n’y avait pas de solution pour nous deux. Alors je suis parti et j’ai laissé ma femme à la maternité. C’est à partir de là qu’ils l’ont orienté au 115 et que moi j’étais dans la rue. Ma femme était sans téléphone je ne pouvais pas la contacter. Nous sommes restés sans nouvelles pendant 26 jours. Finalement nous nous sommes retrouvés à la Plateforme par hasard…
A notre arrivée ici on n’a pas trouvé de bureau pour nous expliquer comment faire une demande d’asile… moi des gens à la gare m’ont dit que les africains ne pouvaient pas demander l’asile, que c’était juste pour les arabes, je ne savais pas…
Finalement, sur les conseils du foyer où elle était hébergée par le 115, ma femme est retournée à la Plateforme pour enregistrer sa demande d’asile. Moi de mon côté je suis retourné à la Plateforme 3 jours après pour déposer à mon tour une demande d’asile. Ce jour-là j’ai demandé à Mustapha de la Plateforme qu’il contacte le 115 pour avoir des nouvelles de ma femme, qu’il demande où elle est avec le 115, car depuis 26 jours je n’avais pas de nouvelles…
Finalement je suis allé à la Conception et là j’ai trouvé ma femme qui venait d’accoucher. 3 jours après la naissance de notre fille nous sommes allés à la Préfecture. Nous avons été placés en procédure Dublin Italie. Nous avions dû donner nos empreintes à Lampedusa.
Après la Préfecture nous sommes retournés à la Conception, ma femme avait eu des problèmes lors de son accouchement et elle est restée hospitalisée pendant une semaine.
La PADA nous a orienté vers un hôtel mais là-bas il n’y avait rien pour cuisiner et ce n’était pas adapté à une famille. Pendant ce temps-là j’ai rencontré une personne qui m’a informé qu’à la rue de Crimée, à côté de la Gare Saint-Charles, il y avait un lieu où les familles pouvaient être accueillies en urgence : nous y sommes hébergés depuis cette date. Dans cet endroit on ne peut normalement y rester que temporairement et ce n’est pas que pour les demandeurs d’asile.
Nous avons attendu plusieurs mois en procédure Dublin, quand nous avons reçu la décision de renvoi vers l’Italie nous avons fait un recours. La Cimade nous a mis en contact avec un avocat qui a gagné l’annulation de Dublin vers l’Italie. Quand nous sommes allés pour demander l’enregistrement de notre demande d’asile, la Préfecture a notifié un nouvel arrêté vers l’Allemagne cette fois (alors que nous ne sommes jamais allés en Allemagne!) l’avocate est venu à la Préfecture avec nous et a fait retirer la décision. Puis la Préfecture a de nouveau notifié un arrêté vers l’Italie qui a aussi été annulé…
Nous avons enfin pu déposer notre demande d’asile en juin 2017, 9 mois après notre arrivée en France, et passer en procédure normale.
Depuis notre passage en procédure normale on a des problèmes avec l’ADA. On n’a rien touché depuis le mois de juillet 2017. On est sans ressource depuis 2 mois, alors que normalement on devrait avoir entre 660 et 680 euros par mois. Ils ne nous versent pas l’ADA, j’appelle l’OFII ils ne décrochent par le téléphone, comment je fais-moi pour nourrir ma femme et ma fille… je dois chercher du travail mais je n’ai pas le droit de travailler, ce n’est pas normal : comment on fait pour s’héberger, pour se nourrir ?!
Finalement, hier l’OFII a renvoyé un message mail à l’assistante sociale du foyer d’urgence où on est, le message dit que le problème d’ADA est réglé mais bon on doit attendre jusqu’au mois d’octobre pour le versement… il reste encore deux semaines sans rien. En attendant on va à la Croix Rouge à la Belle de mai pour récupérer des colis alimentaires.
L’association qui nous héberge nous a dit que maintenant qu’on est demandeurs d’asile on doit avoir un hébergement spécifique. J’ai demandé à la Plateforme comment faire, ils m’ont dit que c’est l’OFII qui gère tout ça ; je suis allé plusieurs fois avec ma femme à l’OFII, ils nous laissent devant la porte, refusent de nous recevoir et nous disent de téléphoner, mais ils ne répondent pas au téléphone : ça sonne, ça sonne mais ça ne décroche pas… L’association qui nous héberge envoie des e-mails mais ça ne répond pas.
La Plateforme nous a aidé pour remplir le formulaire de l’OFPRA, en présence d’un interprète, une dame guinéenne qui parle bambara. Même si cette dame ne vient pas du Mali, nous nous sommes débrouillés pour la comprendre….
Aujourd’hui on attend de recevoir la convocation pour l’entretien à l’OFPRA.