Récit de Jamila
Je m’appelle Jamila ; cela veut dire « la belle ». J’aime beaucoup mon prénom et j’aime aussi Aziza, car ma mère m’appelait Aziza quand j’étais enfant. J’ai 45 ans, je viens de Jendouba, au nord de la Tunisie. Je parle l’arabe, et j’apprends en ce moment le français. Je suis mariée, j’ai une fille âgée de 12 ans. Je travaille en tant que coiffeuse et dans le domaine de la Hijama (pose de ventouses).
La vie de Jamila en Tunisie
Je vivais avec ma famille en Tunisie avant mon mariage. J’ai trois sœurs et quatre frères, j’étais la plus proche de ma mère parmi mes frères et sœurs. J’ai fait l’école jusqu’en sixième. À l’âge de 14 ans, j’ai suivi une formation de Hijama, qui est devenu mon métier, puis j’ai commencé mon travail en tant que coiffeuse dans un salon de coiffure, jusqu’au moment où j’ai réussi à créer mon propre salon en Tunisie.
Je me suis mariée et j’ai eu une fille. Mon mari a dû voyager à l’étranger pour travailler, ma fille avait 1 an et 2 mois. Je travaillais comme coiffeuse; soit je laissais ma fille chez ma mère, soit elle restait avec moi. Quand elle a eu 3 ans, je l’ai inscrite à la maternelle ; ensuite à l’âge de 5 ans elle est entrée à l’école primaire. Tout cela s’est passé en l’absence de mon mari, j’étais sa mère et son père à la fois.
Ma fille a rencontré son père pour la première fois à l’âge de 7 ans, lorsqu’il a pu revenir de France. Il est rentré pour un petit séjour en été, mais ma fille ne l’a pas du tout accepté : il était comme un étranger. Puis il s’est mis à jouer avec elle et à lui acheter des cadeaux jusqu’à ce qu’elle commence à s’habituer à lui. Depuis cet été-là, il nous rendait visite en Tunisie chaque été en août et 25 jours en hiver, car ses papiers français étaient enfin régularisés.
Comment êtes-vous arrivée en France ?
En effet, je suis arrivée en France le 14 juillet, jour de la fête nationale. Je suis venue avec l’aide de mon mari, pour un regroupement familial, avec ma fille. Mon mari vivait et travaillait en France. Ce n’était pas la première fois que j’essayais de venir. J’avais déposé une demande pour avoir un visa tourisme quelques années auparavant, mais ma demande a été refusée. Sept ans après on a réessayé de faire un regroupement familial et enfin on a eu une réponse positive.
En ce qui concerne mon voyage de la Tunisie à Marseille, à vrai dire, c’était magnifique. Je suis arrivée avec ma fille à l’aéroport de Marseille. C’était surprenant pour moi, c’est mon endroit favori de la ville! À vrai dire, l’aéroport de Tunis est aussi beau, bien organisé, surtout de l’intérieur. Mais j’ai apprécié la vue splendide et magique en sortant de l’aéroport de Marseille, c’est pour cela que je trouve que c’est le plus beau.
Ma vie en France
La première chose que j’ai apprise c’était les transports, pour que je puisse me déplacer et sortir. J’ai pris à peu près de 15 à 20 jours pour comprendre le système de transports. Tous les jours je sortais découvrir un nouvel endroit et de cette manière j’ai appris à me débrouiller.
Les difficultés que j’ai rencontrées lors de mon arrivée… La plus importante, c’était la langue: le français est une langue difficile pour moi, c’est pour cela que je n’ai pas pu construire des liens avec les gens. J’ai encore des difficultés pour parler et faire de nouvelles connaissances ou m’intégrer dans la société parce que je ne parle pas bien le français ; je me débrouille seulement pour les choses essentielles, cela me demande de l’énergie.
Dans ma vie quotidienne, je suis femme au foyer, je passe mon temps à m’occuper de ma famille et de ma fille. Je n’ai pas rejoint d’associations pour m’aider à m’intégrer dans la société. J’espère, quand j’aurai obtenu mes papiers et que je serai bien installée, pouvoir m’inscrire à Pôle Emploi pour travailler.
« Dieu merci, heureusement », je n’ai pas souffert de problème de logement, à mon arrivée : il y avait l’appartement de mon mari, et j’ai aussi de la famille ici en France : ma sœur, mes deux frères, le père de mon mari, mes cousins et mes cousines.
En ce qui concerne l’intégration de ma fille en France, au début ce n’était pas facile, mais elle s’est rapidement intégrée au collège et a eu de nouveaux amis avec qui elle est souvent en contact.
Mes sentiments entre la France et la Tunisie
J’aime beaucoup la Tunisie : je la préfère. Ce n’était pas un objectif pour moi de venir vivre en France mais je suis venue pour mon mari, parce qu’il travaille ici. À mon avis, la différence entre la France et la Tunisie réside dans le fait que la vie en France est meilleure d’un point de vue matériel. Par contre en Tunisie je me sens chez moi, je me sens à l’aise, il y a de la tendresse, il y a ma mère et il y a ma famille.
Conseils pour les migrants qui veulent s’installer en France
Je conseille qu’ils apprennent couramment la langue, qu’ils viennent de manière légale afin qu’ils puissent arranger leur situation administrative et s’installer sans problème, parce que la vie en Europe n’est pas donnée aux gens sans papiers, sans travail et sans titre de séjour. Moi par exemple ma situation était claire et bonne, je ne me suis inquiétée pour rien, parce que j’ai rejoint mon mari. Par contre, mon frère est venu en France, sa situation administrative n’était pas tout à fait claire, il était frustré d’avoir fait plusieurs tentatives en vain et il a fini par rentrer en Tunisie après treize ans d’essai.
L’ambition de Jamila dans l’avenir
Je me vois dans dix ans avec ma famille ; ma fille et mon mari ici en France. Je suis venue pour eux ; pour l’avenir de ma fille et pour son installation je fais des concessions à court terme. Son avenir, son bonheur et sa réussite sont pour moi mon ambition et mon seul objectif.