Récit de Momo
Je suis arrivé en France quand j’avais 5 ans, à la fin des années 80.
Mes parents avaient décidé de m’envoyer ici puisqu’à l’école, aux Comores, j’avais trop de difficultés… Au Pays l’école a beaucoup de problèmes, les professeurs ne sont souvent pas bons.
Et comme en plus j’avais des difficultés pour m’exprimer, ça devenait vraiment difficile pour moi.
C’est ainsi que, grâce à l’aide d’un tonton qui avait le passeport français, j’ai pu venir ici et suivre tout mon parcours scolaire en France, de la primaire au lycée.J’ai commencé à la Belle de Mai, puis Félix Pyat, Kalliste et l’Estaque, où j’ai fait un lycée pro.
Quand j’étais enfant, les papiers n’étaient pas le problème, j’étais scolarisé, et les temps étaient différents.
En grandissant, j’ai notamment demandé de l’aide à l’école, qui m’a mis en contact avec une assistante sociale. Aujourd’hui j’ai une carte de séjour 10 ans ; j’ai aussi essayé de demander la nationalité, mais pour les Comoriens c’est compliqué, quand on est déjà en France. Pour remplir les dossiers il faut des papiers produits par l’administration comorienne, mais si tu n’es pas sur place pour vigiler sur chaque document tu ne t’en sors plus : une fois ils se trompent de dates de naissance, une autre ton dossier est perdu (et ton argent avec), une autre ils mettent le nom de ton père au lieu du tien.
Après quelque tentative, j’ai renoncé ; je me suis dit que je le ferai quand je pourrai aller aux Comores et suivre personnellement les démarches.
Entre tant, j’ai le permis de séjour “salarié”, je peux travailler. J’aime bien être dans le social, faire du bénévolat dans les centres sociaux. Et c’est d’ailleurs grâce au bénévolat que j’ai trouvé un bon boulot, un CDD de 2 ans dans le bâtiment.
J’avais participé à un chantier européen des Compagnons Bâtisseurs, ici à Kalliste, ma cité. On retapait des escaliers, on a fait un terrain de pétanque… Ça me plait de m’engager pour mon quartier. Après quelque mois, ils m’ont conseillé de suivre une formation à l’AFPA : j’ai suivi un cours de maçonnerie composé de 7 modules, chaque semaine on changé de sujet. Après la formation, quand ils en ont eu les moyens, les Compagnons m’ont proposé un contrat.
Les Compagnons Bâtisseurs, je les ai rencontrés puisqu’ils étaient intervenus dans le logement de ma tante : ils aident les gens qui ont des soucis d’électricité, plomberie, peinture, etc. et qui n’ont pas les moyens de payer des entreprises pour entretenir leur lieu de vie.
Les gens qui les appellent doivent devenir adhérent de l’association (5 euros), puis ils peuvent rembourser en plusieurs fois, payer petit à petit les travaux qui ont été réalisé chez eux.
À cette occasion, je leur avais laissé mon contact ; quand ils m’ont appelé, j’ai commencé à collaborer bénévolement, sur des chantiers européens. Il s’agit de chantiers participatifs auxquels participent des jeunes d’autres pays.
C’est aussi grâce à cette expérience que j’ai découvert que j’aimais beaucoup travailler avec les gens, intervenir dans de centre sociaux. Du coup, j’ai pris aussi le BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur).
Et puis, comme ils ont vu que je travaillais bien et que j’étais quelqu’un de confiance…ça l’a fait !
Entre temps, j’ai eu la chance de découvrir le Jardin de Aures, lors d’une sortie de la classe de maternelle de mon neveu, que j’accompagnais.
C’est un jardin où collaborent plusieurs associations : il y a Accueil et Rencontre aux Jardin des Aures, il y a un jardin partagé, les Restos du Coeur, et les derniers arrivés, l’école Bricabracs.
Comme j’aimais bien l’idée de jardiner, j’ai parlé aux animateurs et je me suis mis dans la liste d’attente pour avoir une parcelle.
Quand il y en a eu de disponibles, ils m’ont appelé et j’ai commencé à venir faire pousser mes légumes : tomates, salade, radis, courgettes, concombres…
L’adhésion est de 10 euros par ans.
Accueil et Rencontres aux Jardin des Aures c’est une association qui organise des animations pour le quartier : ils font des sorties, ils projettent des films, un atelier cuisine, le soutien scolaire pour les petits, ils collaborent avec les Restos du Coeurs, qui livrent dans les même locaux les colis alimentaires les lundi après-midi. C’est exclusivement pour les habitants des cité de Kalliste, la Granière et la Solidarité.
Depuis que j’ai mon potager et mes poules aux Aures, j’ai aussi rencontré les travailleurs sociaux du centre Borely, qui ont bien aimé ce qu’on a fait ici et m’ont proposé d’aménager une partie de leur jardin. J’ai commencé à planter des légumes, et ils voudraient aussi mettre les poissons rouges et les poules.
Ça me plait, l’idée de jardiner…j’ai même ouvert ma chaîne Youtube, MomoBio, où je raconte ce que je fais dans ma parcelle !
Et j’ai aussi fréquenté le Centre Social de la Martine, qui organise des ateliers cuisines partagés : à chaque vendredi, quelqu’un proposait une recette de son pays et apprenait aux autres comment la préparer.
Pour le travail, j’ai aussi été aidé par l’ADDAP13, des éducateurs de rue qui m’ont aidé à écrire mon CV et l’ont postérieurement donnée à la Régie Nord, à Saint Louis. Et la Régie Nord m’a proposé un poste de 6 mois, agent d’entretien des espaces publics : on bougeait en équipe, avec une uniforme, dans les quartiers nord, pour nettoyer les rues et les places.
C’est grâce à ce contrat que j’ai pu mettre de côté un peu d’argent et retourner, enfin, aux Comores pour quelque mois…et y faire du jardinage! Et oui, j’aime bien l’idée d’exporter ce que j’ai pu apprendre ici!
Et montrer aussi que les Comoriens de France, on n’est pas tous obligés d’être chanteurs connus pour s’en sortir! Ici, dans ma parcelle, avec l’hache et la pelle, j’ai appris pas mal de choses, pas besoin de chanter des bêtises dans un micro ! Désolé Soprano, le Cosa, Rohff…
Pour les vêtements, je sais qu’au siège des Restaurants du Cœur aux Aygalades ils ont pas mal de dons, des habits pour adulte ou enfant qu’on peut récupérer, mais aussi des choses pour la maison, la cuisine… C’est ouvert le lundi jusqu’à 16 heures (NDR, en novembre 2018, sur le site ils sont annoncés ces horaires: lundi, mardi, mercredi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 16h30).
Pour la santé, avant c’était dur dans ce quartier, la visite chez le médecin coûtait 25 euros, même pour les gens qui n’avaient pas de papiers et pas de couverture santé. Mais maintenant il y a le Château en Santé, qui s’est installé dans une vieille bastide en pleine cité de Kalliste. Ils ont fait eux aussi un petit jardin partagé autour, mais surtout ils offrent des soins pour tous, je pense qu’il y a le médecin généraliste, le dentiste, le radiologue…et aussi des assistants sociaux.