Récit de Aboubaker

Je suis venu en France du Maroc par choix implicite pour poursuivre mes études. J’ai fait au Maroc les classes préparatoires au sein d’un programme où les étudiants les mieux classés obtiennent une inscription dans des filières françaises.

Les diplômés des classes préparatoires marocaines préfèrent poursuivre leurs études dans les grandes écoles françaises. Quiconque choisit cette filière d’étude fait déjà le choix au moins indirect de s’inscrire dans une trajectoire de migration.

Je pense que l’Etat Marocain encourage cette migration des cadres et des éléments les plus doués vers la France, parce que chaque année il finance des bourses et des centres de préparation à ces concours qui débouchent sur un départ de ses meilleurs éléments vers la France. En principe l’obtention de ces bourses est elle conditionnée à l’obligation de travailler 5 années au Maroc après avoir fini ses études. Mais en réalité, cette clause, mentionnée dans le contrat de bourse (d’un montant de 500 euros par mois, pour une durée de trois ans) n’est jamais appliquée.

Entre plusieurs établissements où j’ai été admis, et en fonction des classements obtenus, j’ai retenu l’école Centrale de Marseille – un regroupement de 5 écoles d’ingénieurs -, que j’ai considéré comme le meilleur choix.

Pour avoir une inscription en France il existe deux processus. Le plus classique, c’est de passer par campus France et de demander l’inscription dans les universités françaises. Le second, celui que j’ai choisi, c’est de choisir les classes préparatoires. Pour le cas des universités, si vous essayez de vous inscrire pour le même niveau de cours que vous êtes en train de suivre au Pays, la probabilité que vous soyez acceptés augmente par rapport à une inscription pour le niveau suivant. Par exemple, si au Maroc vous êtes en Master 1, il vaut mieux tenter une inscription en Master 1 en France aussi, plutôt que de poursuivre en Master 2, comme il serait logique.

Les niveaux d’études entre le Maroc et la France étaient très comparables. Dans mon cas, j’ai eu surtout des problèmes de langue. Ce sont eux qui ont rendu plus difficile mon intégration. La langue française telle qu’enseignée dans l’école marocaine s’est révélée assez différente de celle pratiquée dans la vie commune en France. Il m’a donc fallu du temps pour m’adapter mais j’ai néanmoins bien réussi mon séjour.

Ma première année à Marseille était pas mal, même si j’ai “galéré” un petit peu au début. Trouver un logement s’est révélé un vrai challenge pour moi, qui était arrivé avec seulement 400 euros ce qui n’est absolument pas suffisant pour réserver un logement sachant qu’il fallait attendre plusieurs mois avant de finir la procédure d’inscription et toucher la bourse.
Mon image initiale de la France était très différente de ce que j’ai trouvé dans le quartier de Bougainville où je me suis installé; je trouvais ce quartier – au terminus de la ligne 2 du métro et que je ne recommande pas du tout – plus sale que beaucoup de quartiers que j’avais laissé derrière moi au Maroc.

Ça m’a pris 3 semaines pour trouver un logement en cité universitaire, dans une résidence Crous à Saint Jérôme, à côté de Malpassé.

Pour trouver un logement universitaire il y plusieurs stratégies. Certains étudiants se rendent avec leurs bagages à la direction du CROUS, à l’université de saint Charles. Ils disent qu’ils n’ont pas de logement et parfois ça marche. Mais la procédure ordinaire est de déposer une demande et d’attendre une réponse, qui peut n’arriver qu’au bout de …trois mois ou plus.

Peut-être que mon expérience de la résidence universitaire, universitaire ne reflétera pas la réalité des choses. Ce n’était pas une bonne expérience du tout : je payais 150 euros, la CAF me donnait 30 euros d’allocation. Les toilettes et la cuisine y sont partagés. Mais le grand problème c’est que le bâtiment était très sale. Ils n’y étaient logés que des Arabes et des Africains subsahariens, aucun blanc ou français, alors il n’y avait aucune maintenance du bâtiment! Il y avait des cafards partout… et je ne connaissais pas bien mes droits à cette époque, et surtout le droit à un logement de qualité et propre comme locataire.

Je conseille aux nouveaux étudiants s’ils font face au même problème de contester le plus vite possible, il faudrait dénoncer en toute force ce phénomène. Le bâtiment ne contient que des immigrés qui, souvent, ne sont pas en mesure de faire valoir leurs droits. Je conseille à n’importe quelle personne qui se trouve dans une situation pareille de contester chaque jour, si l’administration de résidence refuse de changer les choses, il faut dénoncer à un niveau plus haut. Pourquoi ne pas utiliser même les réseaux sociaux, c’est très efficace ces temps ci. Bon il ne faut jamais se taire quand il s’agit d’un droit d’avoir un logement habitable et digne.

J’y ai passé cinq mois, puis j’ai demandé qu’ils me changent la chambre de là-bas, alors ils ont changé pour un autre endroit… sans cafards!

Cependant, le niveau d’études était génial, les professeurs sont gentils, serviables, disponibles pour qu’on les contacte à tout moment. Pour le niveau technique, il était comparable au niveau dans les fac marocaine. C’était une très bonne expérience.

J’ai été choqué de voir quelques comportements des étudiants français, faire des choses qu’un étudiant au Maroc n’oserait jamais imaginer. Je comprenais plus tard que je venais avec pleins de complexes du Maroc, et que ce n’est pas aussi choquant que je le supposais au départ.

Par exemple, une fois, dans un groupe Facebook, des étudiants ont mis une photo du professeur, afin de plaisanter avec lui sur quelque chose concernant son apparence corporelle. L’étudiant qui l’a posté savait que dans ce groupe Facebook, les professeurs et les étudiants auraient vu sa publication, tout en sachant qui en était l’auteur, mais cela ne l’a pas empêché de la poster. Je suis resté incapable de toute interaction avec cette image publiée. J’ai continué à regarder la photo sans savoir comment répondre ou réagir. J’ai découvert que la relation avec les profs ici est tellement différente du Maroc.

Au Maroc, il était par exemple impossible d’avoir l’email du professeur. Une fois, nous avons eu l’email d’un professeur, et l’école a fait une enquête, pour trouver qui a publié l’adresse email du professeur, pour le punir!

Ici, le professeur écrit son adresse e-mail au tableau, et dit aux étudiants, qu’ils ont le droit de lui écrire pour toute demande ou question à tout moment !

Questions pratique pour une installation tranquille

Je conseille aux étudiants étrangers qui veulent faire leurs études en France de ramener le maximum possible d’argent au début. Vu que les frais d’installation sont bien chers. Il faudrait payer un mois de loyer et le dépôt de garantie (nda, généralement équivalent à un mois de loyer). Il faut payer les charges et les assurances, ainsi que les frais d’études le mois suivant. Ça fait beaucoup de frais d’installation!

Mon installation était très difficile, j’avais beaucoup de problèmes financiers. Des fois je mangeais des biscuits pour dîner. Je conseille vivement les nouveaux étudiants d’aller visiter l’assistance sociale à Saint Charles. Je ne connaissais pas ce service au début.

D’après mon expérience, j’ai remarqué que la CROUS ne vous oblige pas à être ponctuels au début du mois pour le loyer. Alors j’ai reporté le loyer à une fois pendant trois mois.
Après la première année qui était compliquée, les autres années étaient plus fluides, j’ai trouvé le logement d’une façon très rapide, j’ai travaillé dans un job étudiant dans le restaurant universitaire qui m’a aidé dans ma vie financière.

Pour avoir les aides au logement données par la CAF, j’ai tout fait en ligne. Je n’ai jamais rendu visite à leurs locaux, et ça a marché. Il faut comprendre qu’en France il y a plein des services qui marchent bien que par internet, sans devoir se déplacer.

Mais si le temps revient, je pourrai faire plusieurs choses différemment j’aurai ramené beaucoup d’argent, j’aurai contacté l’assistance sociale et j’aurai trouvé un job étudiant plutôt. J’ai fait de jobs étudiants : des cours particuliers de mathématique à 15 euros l’heure
Marseille: avantages et limites

Marseille est une très belle ville. Je la recommande vivement. Je trouve qu’elle porte l’aspect européen et français en même temps l’aspect méditerranéen. Elle est très développée par rapport à ma ville natale au Maroc, le transport public est bien organisé et il y a plus de sécurité et de liberté. On buvait de l’alcool et on faisait notre activité d’étudiants avec toute liberté.

Mais honnêtement, je ne me suis pas fait beaucoup d’amis français, j’ai trouvé beaucoup de marocains et j’étais ami avec eux. Il y a des quartiers où il n’y a que des maghrébins, je pouvais même parler que le marocain pendant toute la semaine.

Je suis aussi parti de Marseille pendant un moment, j’ai fait une mobilité internationale en Italie dans le cadre d’Erasmus +, qui permet une mobilité de longue durée, et c’était une bonne expérience. Milan est une très grande ville mais on y rencontre beaucoup de personnes qui essayent de t’arnaquer. J’aime bien Marseille, je pense que c’est la meilleure ville de France. Comparé à l’Italie, les salaires français sont plus élevés, et l’intégration est mille fois plus facile.

Quand je suis arrivé du Maroc je n’ai pas vraiment choisi la France, du moment que le programme des classes préparatoires marocaine ne contient que des écoles françaises, mais depuis mon expérience en Italie, Marseille est devenu un vrai choix, et je suis revenu avec une sensation de joie et de paix.
Quand j’étais à Milan, Marseille me manquait. Les restaurants marocains me manquent. À Milan, il n’y en a pas, il y a plus d’Egyptiens. Les Égyptiens en Italie sont l’équivalent des Maghrébins en France.

Une visite chez le médecin là-bas coûte 55 euros (ndr, pour ceux qui n’ont pas droit à la couverture santé italienne), alors qu’elle est gratuite ici (ndr., si on a la CMU-C ou autre forme de couverture santé), il n’y a pas de couverture sociale, ni d’aide au logement CAF en Italie.

C’était drôle que les Égyptiens de Milan aient peur de moi, parce que j’étais de Fès. Car les harragas de Fès en Italie ont une réputation effrayante !

J’ai rencontré beaucoup d’Egyptiens à Milan, car je vivais avec eux en colocation. Quand je suis arrivé à Milan, j’ai cherché un logement. Louer là-bas est vraiment cher. Parfois, une chambre peut coûter cinq cents euros.

Les droits sociaux en France sont une chose merveilleuse. Je me suis rendu compte de cette réalité quand j’ai vécu en Italie.

Marseille et ses lieux

Je recommande plusieurs lieux à visiter à Marseille: Noailles, tu te sens comme au Maroc, c’est un très bon marché pour faire les courses. Pour se divertir, il y a le Vieux-Port, Notre Dame du Mont, le Mucem.

Pour les activités culturelles, je n’ai pas encore découvert la vie culturelle de la ville, , peut être par difficultés à m’intégrer avec les français. Au Maroc je faisais beaucoup de théâtre, mais en France j’ai arrêté.

Dans le quartier ou j’ai vécu Il y avait le centre commercial le Merlan à Saint Jérôme, il y avait des salles de sports, des terrains de foot. À Malpassé il y a pas mal de lieux pour les étudiants, mais pas de théâtre!

Tout compte fait, la présence d’étudiants maghrébins dans les facs, et une forte communauté nord-africaine dans la ville, rendent l’intégration très facile pour un jeune comme moi ici depuis peu.

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