Récit de Dawood

Récit récolté par l’Observatoire Asile de Marseille

En Italique, les commentaires et précisions des intervieweurs, membres de l’Observatoire.

Comment dit-on “border” en français ?

Je suis parti de ma région a 12 ans, je suis parti avec ma famille à Daykondi. Je suis azara. On a quitté la région à cause de la guerre. La guerre a toujours était le problème en Afghanistan. Je suis parti en mai 2015. Je suis passé en clandestinité, sans passeport et visa, par l’Iran, puis Turquie, Grece, Macedoine, Serbie, Croatie, Slovénie, Autriche, Italie puis la France… c’est beaucoup de pays, j’ai passé beaucoup de pays.

Border… comment on dit « border » en français, je n’arrive pas à m’en souvenir… ?

Quand je suis arrivé en Grèce j’ai pris un bus pour les réfugiés et j’ai passé les frontières, qui à l’époque étaient ouvertes. Pour moi ça a été facile aujourd’hui c’est très difficile. Quand je suis passé ils avaient ouvert les frontières. J’ai pris beaucoup de bus pour réfugiés et on a passé les frontières, le HCR nous avait donné des papiers en Grèce et quand on arrivait aux frontières on nous contrôlait ces papiers et on passait.

Une ville qui s’appelle Marseille

Au début j’avais décidé d’aller soit en Allemagne, soit en France mais quand je suis arrivé en Autriche la frontière avec l’Allemagne était bloqué et les réfugiés ne pouvaient plus passer. Je suis resté en Autriche fin janvier 2016, pendant 6 mois, et après je suis venu France. Je suis passé par l’Italie pour arriver en France.

Je suis allé directement à Paris, en août 2016, là bas il y avait beaucoup de réfugiés, beaucoup d’afghans, beaucoup de problèmes, je voulais donner mes empreintes mais les afghans m’ont dit qu’à Paris il y a beaucoup de problèmes, que c’est très difficile un afghan m’a dit « je sais qu’il y a une autre ville qui s’appelle Marseille ».

Je ne connaissais personne à Marseille, je suis arrivé à St Charles et là on m’a dit de descendre les escaliers de la gare et à droit c’est pour les réfugiés. Quand je suis arrivé à (comment ça s’appelle?) la Plateforme Asile… il y avait une longue queue devant. Des afghans qui attendaient m’ont demandé si j’étais nouveau et j’ai dit que je venais d’arriver. Les afghans m’ont dit que je pouvais appeler le 115 et que pour la première fois on allait me donner un mois puis ensuite 9 jours.

La Plateforme Asile a enregistré mon nom, ma nationalité et j’ai eu un rendez vous dans les 2/ 3 jours, c’était vite.

Comme j’avais donné mes empreintes en Autriche, la Préfecture m’a donné un récépissé de dubliné. La préfecture m’a dit que je devais attendre, que la France avait demandé à l’Autriche de me reprendre. Finalement un mois plus tard quand je suis retourné à la préfecture et ils m’ont donné un récépissé « normal », je suis passé « normale ».

Là-bas j’ai eu un entretien avec l’OFII qui m’a expliqué pour l’allocation ADA et ça marche bien pour moi. J’ai demandé si il y avait des possibilité de trouver une place pour dormir, mais ils m’ont dit: “Il n’ y a pas de place maintenant”, puis elle m’a dit « je ne suis pas responsable pour trouver un endroit pour dormir, je ne sais pas, maintenant il n’y a pas de place, pas de chambre, pas de maison, c’est tout complet… C’est à vous de trouver une solution pour dormir »… ( Dawood rit en nous racontant ça…)

Pendant 3/4 jours j’ai dormi chez un afghan, un ami d’un ami que j’ai rencontré à la Plateforme Asile et qui vit à la Rose et qui a un appartement, lui il a été accepté en France et il a un appartement. 2/3 jours je suis resté avec lui dans l’appartement. Aprés j’ai appelé au 115, le matin dés 8h, presque 4 fois j’ai essayé et finalement ils m’ont donné 1 mois à la Madrague… mais malheureusement c’est n’est vraiment pas un bon endroit là-bas, il n’y a pas de personnes normales, 6 personnes par chambre, beaucoup de vols, j’ai perdu 2 fois mon portable là bas. Quand j’allais aux toilettes je prenais mon sac avec moi… c’est très problèmatique la Madrague. Toutes les choses ils prennent, j’ai perdu mes vêtements là bas, quand je les tendais dehors pour qu’ils sèchent… les gens là bas boivent beaucoup d’alcool…

Encore aujourd’hui je suis à la Madrague, j’ai fait 2 lettres à l’OFII que je vais déposer là bas et je donne au monsieur devant la porte et il les donne au responsable mais je n’ai pas de réponse, on ne peut pas rentrer dans l’OFII, ils ne parlent pas… Le monsieur dit qu’il les pose dans la « box » mais aprés il n’y a pas de réponse, pas de rendez vous… c’est absent…

L’hiver à la Madrague

Je suis à la Madrague depuis plus d’1 an. Dans la journée on ne peut pas rester à Madrague, entre 8h30 et 16h. Dans la journée, en été c’est un peu mieux parce que le temps il fait chaud, on peut rester dehors, à la mer… mais en hiver c’est très dur, beaucoup de froid, il y a pas de place pour rester… maintenant c’est commencé l’hiver… quand on reste dans la gare beaucoup de police nous demande notre identité, c’est un problème…

Avant il y avait 7/8 afghans à la Madrague mais ils sont partis et maintenant je suis seul là bas.

J’ai parlé avec l’assistante sociale de la Madrague, elle a écrit une lettre pour moi pour l’OFII mais elle n’ont plus n’a pas de réponse, il n’y a pas de place, c’est complet c’est tout…

Quand maintenant je vais à l’école, quand je rentres dans la chambre, j’ai besoin de réviser mes leçons davantage mais les autres ils éteignent la lumière et je ne peux pas réviser…

Il y a des personnes qui ne prennent pas de douches et il y a des mauvaises odeurs dans la chambre, parfois c’est insupportable… je mets un foulard autour du cou et du nez pour ne pas sentir…

Je suis très content de ma situation, je suis très heureux de ma situation parce que tout marche ici pour moi, le seul problème c’est la place où vivre… le reste ça marche, l’argent ça marche.

Vraiment je suis fatigué maintenant de cette situation à Madrague… Il y a des gens qui ont des petits animaux sur la tête [ndr. des poux], je vois même sur leur tête… c’est pas normal…

J’espère que je vais vivre en France, que je vais trouver un travail, trouver une manière beaucoup mieux pour vivre, maintenant je ne suis pas tranquille… pour apprendre mieux le français…

Un an c’est très long pour la vie mais je sais que j’aurais appris encore mieux le français si j’avais une place pour vivre…

J’ai acheté ce livre [il nous montre un manuel de français, le «Vocabulaire Progressif du Français»], tous les jours je vais dans le parc à côté de Castellane (Parc du XXVI Centenaire) et je travail sur le livre, quand je ne comprends pas un mot je regarde sur Google Translate pour les mots que je connais pas, je suis arrivé jusque la (page 78) mais là il commence à faire froid et c’est difficile de rester dehors. Parfois je vais à l’Alcazar mais ça ouvre à 11h et moi je suis dehors de la Madrague à 8h30…

Pour s’entrainer à lire et comprendre, Dawood lit un livre en français qui s’appelle « Aprés la pluie, le beau temps » quand nous lui demandons s’il sait ce que ça veut dire il répond… « oui oui je sais » en riant…

La semaine dernière je suis allé à Paris pour mon rendez vous avec l’OFPRA. J’ai pris le bus parce que c’est trop cher le train…mais ça va c’était bien… très long mais bien… j’ai mis 11h pour aller… mais ça va c’était bien. Je suis arrivé à 21h à Paris et là bas j’ai dormi avec un afghan qui a une chambre à Paris, je le connaissais de Marseille. Mon ami est venu me chercher à la gare et on est allé ensemble chez lui.

Je attends la réponse de l’OFPRA mais c’est pas prévisible… c’est pas prévisible comment ça se passe dans le futur pour moi… j’aurais une bonne réponse ou pas… je ne sais pas…

Aujourd’hui mon grand problème c’est un endroit pour vivre…

 

 

 

OFPRA

French Office for the Protection of Refugees and Stateless Persons (asylum, subsidiary protection)

Parc XVII Centenaire

Park with sports facilities (basketball, weight training, etc.)

Parc XVII centenaire marseille, Avenue de Corinthe, 13010 Marseille